mercredi 11 décembre 2013

Elementary



Avoir le contrôle. Prendre le contrôle.

Je cherchais le contrôle de mon corps. Je voulais avoir ce contrôle sur moi, sur mes émotions, puis sur la machine, comprendre ses rouages, son mécanisme. Je voulais faire de moi-même une sorte de coffre fort dont le système de sécurité soit imparable.
Mais s'il y a bien une chose que je ne savais pas faire, c'était bien ça. Je n'arrivais absolument pas à saisir. Je suis allé tellement loin, et pourtant si peu...
C'est comme si mon cerveau se gérait automatiquement. Mon cerveau et moi étions bien distincts. Mon corps et moi étions deux entités, une sorte de couple à la fois indépendant l'un de l'autre, mais aussi inséparables.
J'avais la volonté métallique de créer un effet que mon corps ne suivait absolument pas. A vrai dire, dans ma recherche désespérée de me manipuler, je me faisais alors gérer par mon propre corps. Evidemment, mon corps était bien plus relié à mon cerveau, à mon libre arbitre, que je ne l'étais moi-même! Je lui avais donné le pouvoir dont je ne voulais pas. Le pouvoir de faire des choix. Le pouvoir d'exprimer les choses dont je n'avais pas la capacité de partager.

Quand on veut se verrouiller, quand on veut s'enfermer sur soi-même, il faut se couper de tout. Mais comment se détacher d'une vie qu'on chérit tant? Comment échapper à des relations lorsque l'on est profondément persuadé qu'elles feront notre salut?
Je voulais tant renier la chose qui me définissait moi-même que je me suis renié tout seul. Et pourtant, mon corps avait pris le dessus, il était bien plus intelligent que ne l'était le supposé centre de mon esprit. Ma tête était tellement occupée à renier mes pensées, à converser avec mes contradictions, que mon corps avait décidé de gérer mes désirs les plus profonds.
Je n'avais plus aucun moyen de faire confiance à la matière grise. Ma raison s'était déplacée dans mes centres pulsionnels, et mes pulsions avaient déménagé dans la boîte à idées. Mes pulsions, mes envies s'étaient transformées en idées, en concepts abstraits. Elles étaients des mots virtuels, des chimères décharnées, des créatures de l'imaginaire auxquelles rien ne pouvait donner de consistance. Rien en tout cas dans ma situation actuelle.
Car oui, je devais donner naissance à mes idées dans la chair, dans les sens, dans l'union. Pour faire germer une plante, il faut du terreau. Il faut une base solide, concrète et immuable. Je n'avais que de l'eau et une brassée d'air. Une brise glaciale qui portait des feuilles d'automne vers l'infini. Un cours d'eau torrentiel qui circulait sans fin dans le même continuum. J'avais besoin du feu pour consumer cet air étouffant, d'un sol sec pour absorber cette eau. La complétude.