Avoir le contrôle. Prendre le
contrôle.
Je cherchais le contrôle de mon corps.
Je voulais avoir ce contrôle sur moi, sur mes émotions, puis sur la
machine, comprendre ses rouages, son mécanisme. Je voulais faire de
moi-même une sorte de coffre fort dont le système de sécurité
soit imparable.
Mais s'il y a bien une chose que je ne
savais pas faire, c'était bien ça. Je n'arrivais absolument pas à
saisir. Je suis allé tellement loin, et pourtant si peu...
C'est comme si mon cerveau se gérait
automatiquement. Mon cerveau et moi étions bien distincts. Mon corps
et moi étions deux entités, une sorte de couple à la fois
indépendant l'un de l'autre, mais aussi inséparables.
J'avais la volonté métallique de
créer un effet que mon corps ne suivait absolument pas. A vrai dire,
dans ma recherche désespérée de me manipuler, je me faisais alors
gérer par mon propre corps. Evidemment, mon corps était bien plus
relié à mon cerveau, à mon libre arbitre, que je ne l'étais
moi-même! Je lui avais donné le pouvoir dont je ne voulais pas. Le
pouvoir de faire des choix. Le pouvoir d'exprimer les choses dont je
n'avais pas la capacité de partager.
Quand on veut se verrouiller, quand on
veut s'enfermer sur soi-même, il faut se couper de tout. Mais
comment se détacher d'une vie qu'on chérit tant? Comment échapper
à des relations lorsque l'on est profondément persuadé qu'elles
feront notre salut?
Je voulais tant renier la chose qui me
définissait moi-même que je me suis renié tout seul. Et pourtant,
mon corps avait pris le dessus, il était bien plus intelligent que
ne l'était le supposé centre de mon esprit. Ma tête était
tellement occupée à renier mes pensées, à converser avec mes
contradictions, que mon corps avait décidé de gérer mes désirs
les plus profonds.
Je n'avais plus aucun moyen de faire
confiance à la matière grise. Ma raison s'était déplacée dans
mes centres pulsionnels, et mes pulsions avaient déménagé dans la
boîte à idées. Mes pulsions, mes envies s'étaient transformées
en idées, en concepts abstraits. Elles étaients des mots virtuels,
des chimères décharnées, des créatures de l'imaginaire auxquelles
rien ne pouvait donner de consistance. Rien en tout cas dans ma
situation actuelle.
Car oui, je devais donner naissance à
mes idées dans la chair, dans les sens, dans l'union. Pour faire
germer une plante, il faut du terreau. Il faut une base solide,
concrète et immuable. Je n'avais que de l'eau et une brassée d'air.
Une brise glaciale qui portait des feuilles d'automne vers l'infini.
Un cours d'eau torrentiel qui circulait sans fin dans le même
continuum. J'avais besoin du feu pour consumer cet air étouffant,
d'un sol sec pour absorber cette eau. La complétude.
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